Franck Pouilly en textes et en images...

Le pique-nique

Le Pique-nique.

 

 

Parmi les gens bizarres, il y a certains écrivains.

Je pense qu’ils sont les seuls à pouvoir se créer une ambiance suffisamment mélancolique pour y puiser l’inspiration…

 

 

Il était presque midi, et sans néanmoins avoir oublié de faire un crochet par la boulangerie pour me trouver quelques réserves de nourriture, je me rendais au parc urbain.

Par flemme, je me garais à proximité des chemins.

 

Si j’avais du me dépeindre ;  imaginez un gars plutôt svelte, plutôt tranquille, cheveux très court, teint très bronzé, en tee-shirt blanc rayé de bleu style Gaultier, en jean et « vewaî » toilée bleu-gris. Le genre touriste de passage.

 

Seul, bémol, la sacoche de nylon type cadre dynamique contenant le pc portable avec laquelle le costume de rigueur aurait été plus approprié. Ce n’était pas un endroit pour travailler - m’aurait t’on dit - ça tombé bien je n’en avais pas l’intention non plus.

Effectivement, la sacoche contenait bien de quoi écrire, mais également, une nappe, un sandwich et une bouteille d’eau… De quoi faire taire les mauvaises langues.

 

 

Après avoir erré pendant une bonne heure dans les sentiers aménagés sans y trouver âme qui vive, et l’épaule fatiguée par le poids de mon attirail, je me décidais  à faire mon trou non loin des chemins et prés des futaies. Une manière stratégique d’y faire à la fois des rencontres animales ou végétales.

 

Je traversais pour ce faire  le petit le verger en prenant garde, tout en serpentant parmi elles , de ne pas écraser les jeunes pousses. Puis je n’installais sur le drap que je venais de sommairement étaler pour éviter d’être la proie des différents acariens et insectes avides de chaires fraiches ; j’avais trouvé refuge non loin de deux bouquets de marguerites prêtent à être cueillies en cas de visite opportune. J’attendais quelqu’un sans le savoir vraiment…

 

Dans les hautes herbes de jolis papillons bleus prenaient leur butin, les saules m’arrosaient de leurs graines volatiles.

Etant devenu invisible aux êtres humains depuis longtemps, je tentais à présent de me rendre insignifiant aux yeux de la nature.

 

Ce n’est pas tache facile, croyez moi, surtout lorsque l’on porte comme moi un tee-shirt rayé bleu-blanc sur la tête en guise de pare-soleil.

 

Je mangeais en rapidement mon sandwich, très light du reste pour le prix, buvais un peu d’eau.

 

Le soleil était haut et brulant, les cumulus qui passaient de temps à autre me rafraichissait un peu la peau ;

 

Le jean’s me brulait les jambes, mais j’avais beau être seul, la décence essayait de me convaincre de ne pas me mettre en caleçon.

Les poètes et les écrivains sont des artistes. Comme j’écris un peu, je fais donc un peu, mais guère qu’un peu,  parti de cette famille.

Les artistes ont droit parfois à une certaine désinvolture, je tombais donc le pantalon, les chaussures et les chaussettes par la même occasion.

 

En cas de visite, je passerai au mieux pour un original au pire pour un détraqué. Au moins, j’étais bien…

 

Le vent qui se levait  parfois dans bouleaux au loin, donnait à la nature du parc une atmosphère maritime. Comme un bruit de mer déchainée, de grande vague et de rouleaux, comme dans mes souvenirs de Vendée ; c’était étonnant. Il ne manquait que les embruns.

 

Un faucon crécerelle faisait le Saint-Esprit  au dessus de moi, sans doute cherchait-il quelques campagnols dans les hautes herbes. Le rapace était bien trop petit pour m’impressionner, et je n’étais pas non plus un campagnol. Finalement, il passa son chemin.

 

Des passants, loin, sur le chemin,  avec leurs lévriers me regardaient curieusement. Devant le râle de leurs chiens, je supposais que eux non plus ne comprenait pas à quel type d’animal ils avaient à faire.

 

Le croassement des corneilles, le jacassement des pies et le cri roque des geais rendait le sous bois inquiétant. Une corneille me survolait quelques minutes comme pour rendre compte au reste de ces congénères du danger que pouvait représenter ma présence.  A son retour dans les sous bois, les cris cessèrent, je pense que la troupe était rassurée.

 

Je m’allongeais quelques minutes, la tète sur ma sacoche,  le pull et jean’s en guise d’oreiller. Je regardais les nuages qui passaient, sans pouvoir leurs donner de forme particulière tant ils étaient immenses. Je m’assoupis un peu le tee-shirt sur les yeux.

 

Je fus réveillé par une vague de fraicheur, A présent tout était silencieux, comme si le temps aller changer. Quelques nuages gris commençaient à obscurcir le ciel. Je frissonnais ; Ma tenue de plage devenait de moins en moins adéquate. Je remis au moins le tee-shirt.

 

Le vent se levait, les nuages devenaient de plus en plus menaçants ; je débarrassais mon corps de toutes les graines qu’il avait accumulé pour enfin me rhabiller.

 

Je remballais mes affaires et reprenais le chemin du retour

 

Je croisais un couple sur le pont qui observait les cygnes et leurs petits. Trop occupé dans leurs observations, Il ne se retournait pas sur moi ni l’un, ni l’autre.

 

Un pivert s’envolait en raz-motte à mon arrivé dans le chemin, le printemps explosait de ses graines, de ses fleurs et de ses pollens. Des tapis de pâquerettes et de renoncules, des bouquets de lys d’eau, des massifs de fleurs blanches ou jaunes dont je ne connais pas le nom donnaient de la couleur à tout endroit.

 

Je secouais et frottais  une fois de plus mes affaires pour essaimé ce que m’avais déposé les arbres et les plantes, et je repartais chez moi.

 

Ce jour là et comme bien souvent, la nature avait été magnifique, généreuse et grandiose, comme elle l’est pour chaque  printemps ensoleillés.

 

Mais comme le spectacle est triste dans sa tête quand on est seul à l’observer…

 

 

 

 

 



16/05/2011
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