Franck Pouilly en textes et en images...

La porte close (Pauvre amour de jeunesse)

 

 

 

Elle avait 16 ou 17 ans quand je l'ai connu. Moi, un peu plus de 20.  

Nous nous étions rencontrés lors d’une soirée.  

 

J’aurais dû me méfier un peu plus au départ car, je l’avoue, cette rencontre était assez particulière. 

 

C’était une jolie fille, pas très grande, avec un joli visage et des yeux sombres qui vous avalent tout cru quand ils vous regardent auxquels on ne résiste pas beaucoup. Enfin, surtout moi. 

 

Mon seul arsenal pour la séduire, c’était de faire d'avoir de l'humour et d’être agréable.  

Je ne savais pas trop si j'avais du charme, donc je ne comptais surtout pas sur ce genre d'atout. 

 

Tout au long de la soirée, de son côté, elle me regardait, me flattait, était gentille avec moi. Pour tout dire, elle me draguait ouvertement. Je ne pouvais rêver mieux. 

  

J’avoue avoir été un peu perturbé à l’époque, car je n’avais pas l’habitude de ça. Je ne savais pas trop comment répondre à ce genre de démarche. 

 

La soirée prenant fin, mon pote étant avec sa copine, nous sommes donc allé tous les quatre dans un autre endroit encore ouvert  pour prolonger la nuit. 

Celle-ci se poursuivait agréablement, je me sentais plaire. Aussi, se fut très instructif... 

 

Pour tout dire, par mon pote, au hasard d’une plaisanterie, j’appris quelques détails sur le mec de ma future conquête - car elle avait un mec ! 

Il  l’avait abandonné pour la soirée le temps de sortir en boite avec ses amis. Il la trouvait un peu encombrante, et ne l’avait donc pas emmené.  

Du coup, je suppose que pour tromper l’ennui, elle me draguait. Tout en plaisantant, elle me chambrait aussi un peu, car après cette annonce j’étais devenu un petit peu moins rigolo. En fait je boudais un peu et ça l’a faisait beaucoup rire.   

Nous avons continué à ce rythme comme ça jusque tard dans la nuit.  

 

Je ne savais plus trop quoi faire, car je n’étais pas sur de ce qu’elle attendait vraiment au bout du compte. Était-elle intéressée ou n’était-elle qu’une allumeuse... 

  

Nous avons quitté l’endroit à quatre.A bord de ma voiture, elle pris place sur le siège passager, assise à côté de moi. Mon pote et sa copine à l’arrière. 

 

Puis nous nous sommes arrêtés les deposer chez eux . Elle et moi sommes restés dans la voiture, seuls. 

 

Dans un silence de mort, sauf peut-être la musique, j’étais envahi de timidité, puis finalement je tentais ma chance, pour enfin marqué l’essai. 

 

Bizarrement, ce baiser ne m’a pas vraiment marqué. 

 

 Je la déposais enfin chez elle.

 

C’est après que  nous nous soyons quitté, après que je l’ai eu reconduite, que j’étais envahi par un sentiment bizarre, comme si quelque chose était entré en moi, c’était immiscé dans mon cœur. Je venais de découvrir que je tombais tout simplement amoureux.  

« Déjà, si vite ? » me direz-vous ?  « Eh… oui, c'est tout moi. Mais attendez la suite... » 

 

Je ne me souviens plus, mais j’ai sûrement souri en dormant cette nuit-là, tout en ronflant à cause de la bière. 

 

La situation commença à se compliquer dès le lendemain.

Nous nous sommes revu, tous les quatre d’ailleurs, comme la veille. Nous baladions sur le chemin de halage. Je ne me souviens pas si c’était main dans la main, mais je ne pense pas. Nous étions tous détendu, mais elle un peu moins que les autres à mon goût. 

Comme si quelque chose la contrariait un peu. 

 

Contrairement à la veille où elle jouissait d’une complète liberté, je découvrais qu’elle était, cette après-midi-là, redevenue une fille honnête et un peu moins infidèle envers son petit ami. Elle était devenue très froide, distante. Ses pensées était ailleurs, les yeux noirs avaient disparus, son bel esprit aussi.  

J’avais complètement oublié l’existence de son mec et finalement je me retrouvais dans une sorte de comédie où je jouais un rôle de second plan.  

 

Cette réalité était très déplaisante, surtout que, cette après-midi-là, j’avais tout mon temps. Je pensais profiter de tout ce temps en sa compagnie. Mais elle, elle devait partir je ne sais où. Tu parles d’une frustration! 

 

C’était un peu foutu pour ce soir-là, mais je ne me suis pas avouer vaincu pour autant. 

 

Le lendemain, je me rendais près de Lille, car je savais qu’elle était apprentie coiffeuse, je savais où était le salon dans lequel elle travaillait. J'avais pris mes renseignements. 

Je me suis donc présenté, en voiture, en fin d’après-midi, sans prévenir. Garé sur un point stratégique où j’étais sur de la voir sortir et ne pas la manquer. J’ai patienté comme je sais le faire parfois. 

Sachant qu'elle devait, en temps normal, prendre le bus, le train, le bus et tout ça sur 2h de temps, avoir la surprise de trouver un prince charmant à ses pieds et ceux de son carrosse, ça ne pouvez que lui faire plaisir. C’est fou les moyens que je me donne parfois. 

 

Ce manège a duré comme ça un bon moment. Pas mal de semaine de surcroît! 

Moi, Je travaillais en équipe, ce qui me donnait pas mal d’après-midi libres pour faire le taxi.  

Ce que je faisais parfois également le matin lorsque je ne commençais qu’à 13h. Tout comme un bon petit serviteur ! 

 

 J’adorais me rendre utile, même si je sentais bien que je me faisais un peu abuser. 

Je la ramener près de chez elle, mais pas devant pour des questions de discrétion, et lorsque que je l’a conduisais à son salon de coiffure, je devais me garer assez loin. C’était frustrant, mais ce rôle que j'endossait je l’avais choisi. 

 

 J’ai eu droit aux dépenses pour des tailleurs vu en vitrine, des posters pour sa chambre, des petits goûters en sortant du boulot. Tout ça demandé de manière très futé pour que je comprenne par moi-même qu’il fallait faire ce geste ou lui faire un cadeau. Outre ma fierté, ça me coûtait aussi pas mal d'argent. C’est beau l’amour ! 

 

Par contre le soir, après 18 ou 19h je reprenais mon rôle secondaire sans trop savoir ce qu’elle faisait de son côté. Elle rentrait chez elle, et je rentrais chez moi pour me morfondre.  

Je pense que si à l’époque j’avais eu le sms et les réseaux, j’aurais d’ailleurs sûrement était très chiant avec elle. Malgré tout, j’avais choisi de subir ce second rôle et je préférais ça à rien du tout.  

 

Je suis parti en vacances, seul, sans pouvoir la joindre, et sans savoir non plus ce qu’elle faisait de ses journées, mis à part les quelques informations que me distillait mon ami resté sur place.  

Je lui ai écrit plusieurs lettres sans en recevoir en retour. Puis je rentrais de vacances avec un beau cadeau et sans un sous. 

  

Quelques jours après être rentré, je suis reparti en vacances avec mon pote pour qu’il puisse retrouver sa petite amie en vacances dans le Var.  

Là-bas, j’oubliais un peu mon second rôle pour me consacrer un peu à une amourette estivale. Ce flirt de quelques jours, Je ne l’ai pas cherché bien loin, c’était tout simplement la sœur de l'amie de mon pote. J’étais seul, elle l’était aussi, ce fut naturel. Finalement ça me liberait pas mal l'esprit.

Les vacances se terminant, nous reprîmes nos rôles respectifs. Elle avec son ami, moi avec mon calvaire. Drôle de choix que je fis là. Car j'avais le choix du roi. 

 

J’eusse espéré quelques améliorations, mais Finalement, la situation était la même à mon retour. Elle retrouvait son taxi. Pour moi, la routine se réinstallait. Avec peut-être un peu de pire, puisque parfois il était préférable que je ne me montre pas du tout. D'un second rôle, je m’avançais de plus en plus vers un rôle de figuration. 

 

Puis un samedi soir, je vécu une situation des plus cocasse.  

Arrivée dans un de nos bistrots, elle était assise sur une baquette seule dans le noir la mine déconfite. Son mec était au bar à jouer aux dés avec ses potes. Le juke-box jouer un air de bon jovi.  

 

Mon pote s’avança vers lui pour le saluer, lui s’avança vers moi et me serra la main en disant «ah, c’est toi, celui qui s’occupe de ma gonzesse, je voulais te remercier car tu me rends bien service».  

 

Hallucinant, et vrai. Aussi incroyable que ça puisse être, mon second rôle lui plaisait. Elle, sur sa banquette n’en croyait pas ses oreilles. Dans ses yeux, j’ai pu lire la vexation et aussi la colère. 

Nous sommes restés dans ce bistrot un petit moment que j’aurais préféré plus court, car pendant quelques minutes sur la banquette dans la pénombre,  j’ai eu droit aux galoches de mon calvaire feminin qui prenait un malin plaisir de me regarder en même temps. Mémorable de cruauté. 

 

J’avoue que par la suite, le chauffeur de taxi -c’est à dire moi- était un peu plus froid, un peu moins disponible, un peu plus malheureux. 

 

Puis, un Samedi après-midi, elle fut disponible pour moi.  Nous nous baladions en voiture dans le secteur de Béthune, j’ai tout de même eu l’audace de lui demander si elle m’aimait. Je trouvais légitime, après tout, après des semaines de bons et  loyaux services, de pourvoir souhaiter entendre ces mots de sa bouche, elle qui ne me les avait jamais prononcé. Je venais de réaliser que jamais je n’avais eu de preuve d’amour de sa part, alors que moi, quotidiennement je me surpasser en prouesses amoureuses. 

 

En réponse j’ai eu droit à, «De toute façon,  toi, tu penses qu’à toi,  t’es jamais content» 

 

Je me suis garé dans le centre, j’ai été boire un grand coca, seul. Je la laissais dans la voiture. 

J’avais été pris d’une soif intense, comme si on m’avait vidé de toute mon eau, je ressens encore cette sensation bizarre. Puis je suis remonté en voiture et je lui ai dit : 

- « je te ramène chez toi»,  

- «pourquoi»,  

-«je ne sais pas, je fais une connerie,  mais je te ramène chez toi» 

 

Le silence a régné durant tout le trajet, je roulais vite, trop vite. L’ambiance était frigorifique et électrique. Pas un mot, pas un son, comme si elle avait compris qu’il ne fallait plus insister. Je pense qu’à ce moment-là, elle s’est rendu compte qu’elle était allée trop loin  je crois. Ou alors, elle avait peur de rentrer à pieds ! 

 

Je l’ai déposé en bas du pont, près du halage, sans plus de convenance, sans un au revoir,  puis plus loin, les yeux brouillés des larmes je me suis arrêté pour sangloter comme je n’avais jamais sangloté. Je n’ai aucun mot suffisant fort pour exprimer ce que l’on ressent lorsque tout s’écroule et que l’on se sent la sensation de n’être plus rien. Je suis reparti pour rentrer chez moi et m’enfoncer dans la solitude. 

 

J’ai bu, seul, en écoutant des musiques déprimantes et planantes. Reniflé des vapeurs pour sortir un peu de mon corps, Brûlé des papiers portant son nom  en espérant que quelqu’un dans le ciel lui porterai mon message et lui expliquerai tout l’amour que j’avais pour elle. Je ne sais même pas où j’ai pu trouver la force de ne pas continuer à me traîner à ses pieds. 

 

Je mentirais si je ne disais pas que, parfois, je traînais près de chez elle ou prés de son salon de coiffure en espérant l’apercevoir. C’était pathétique !

 

Il m’en fallu plusieurs mois pour m’en remettre. Mais savez-vous ce qui m’a libéré vraiment? 

 

Un jour où je roulais sous l’orage, j’aperçus une silhouette sur le bas-côté qui marchait la pluie battante. Mon cœur se remis à battre à en sortir de ma poitrine, ma gorge se serra. C’était elle !  

 

J’arrêtais la voiture à son coté, elle me regarda de ses yeux noirs que je connaissais bien mais que je voyais plus. Ceux qui m’avait si envoûté.  Je la regardais plusieurs secondes, sans vraiment comprendre ce que je voulais faire. Savez-vous ce que j’ai fait ? 

 

Je n’ouvris pas la portière et repris ma route. Je la laisser sur place sous l’averse.

Je venais, enfin, de me libérer.  

 

 

Je suis sorti de cette période, usé et laminé. Je ne croyais plus en rien. Ni en moi, ni en l’amour.  

Malgré ça, je n’ai jamais plus pleuré pour elle, et s’était très bien comme ça. 

 

J'aurais voulu que l'on me donne la force de pouvoir tourner la page plus tôt. J’aurais su sans doute pu prendre la décision de me passer d’elle plus vite.  

J’aurais sûrement économisé toutes les heures où j’ai pleuré. Toutes les fois où, seul, je sanglotais. J’aurais sûrement aussi perdu moins de kilo qui, pourtant, m’étaient si précieux.  

 

Aujourd’hui, lorsque je perds pieds, je ne sais toujours pas trouver cette fameuse énergie. Je ne suis toujours pas invulnérable !

 

Mais, suite à ces événements malheureux, qui datent de bien des années, j'ai revécu de mes cendres, tel un Phoenix.  

 J’ai construit une nouvelle relation, et pris du temps pour tomber de nouveau amoureux. Puis j’ai fondé un foyer, je me suis marié. J'ai une femme et des enfants, et, bien sûr, je suis heureux. Je les aime.

 

Elle ! me rendre être heureux?  

Elle ne l'aurait jamais su. Elle n’avait aucuns sentiments pour moi. Juste un besoin matériel.   

Je suis content de l’avoir laissé sous la pluie pour tracer mon propre chemin.

 

Finalement, elle n’aura été et restera pour moi qu’une porte close…

 

 

 Franck Pouilly, Mars 2015

 

 



31/03/2015
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